Thérapie acoustique d'habituation : Fonctionnement et résultats
Une méthode anglaise, fondée sur le principe de fonctionnement par contraste du cerveau, préconise l'utilisation d'un générateur de bruits pour déconditionner les patients gênés par des acouphènes. Une alternative thérapeutique intéressante, quand on sait qu'une faible proportion de patients est améliorée par les traitements habituels.
En matière de traitement des acouphènes, des progrès patents sont apparus au cours des dix dernières années, mais il persiste un problème d'information sur les différentes techniques existantes, en particulier sur l'usage de la TRT (Tinnitus Retraining Therapy). Les avis sont partagés sur cette technique et donnent lieu à des discussions animées en rapport avec son fondement neurophysiologique. Par ailleurs, il semble que tout le monde n'entend pas la même chose sous ce terme.
La TRT est un mélange subtil de deux composantes (la guidance et l'exposition chronique au bruit) dont l'objectif est de favoriser, en environ 18 mois, l'accoutumance. On peut parler de thérapie acoustique d'habituation (TAH).
Le modèle de Jastrebroff
Jastrebroff a décrit un modèle neurophysiologique expliquant la gêne causée par les acouphènes. Dans le système nerveux central inconscient, il existerait des connexions entre les stimulations auditives et d'autres régions du système limbique régissant l'émotivité et les réactions au stress. A l'état normal, ces interconnexions n'existeraient pratiquement pas. En revanche, chez l'acouphénique, elles seraient particulièrement développées et une grande quantité d'influx nerveux passerait d'un système à l'autre, d'où l'existence d'une gêne importante.
Objectifs du traitement
La TRT a pour objectif de remodeler ces connexions en apprenant au cerveau à réagir différemment au sifflement. La composante « guidance » s'apparente un peu aux thérapies cognitives. Elle cherche à briser les croyances comme « le bruit va me rendre sourd » et à justifier l'usage chronique du bruit. L'exposition permanente au bruit se fonde sur le fait que l'ennemi de l'acouphénique est le silence. Le cerveau ne fonctionnant que par contraste, le sujet perçoit l'acouphène avec une grande intensité, quand il se trouve dans le silence. Le bruit de fond dispensé continuellement fait baisser la densité de la stimulation nerveuse et le déconditionnement peut s'opérer en 18 à 24 mois.
En cas d'hyperacousie associée, il convient d'utiliser un générateur de faible niveau, alors qu'un acouphène isolé nécessite un générateur de bruit assez élevé. Dans tous les cas, le patient doit encore entendre son acouphène (point de mélange), car le fait de le masquer complètement conduit à l'échec. S'il existe une surdité associée, une prothèse auditive est conseillée.
La méthode utilisée chez 327 patients à Bordeaux (depuis 1995) a amélioré 64 % des patients. Les techniques de guidance ont déjà évolué, de même que les générateurs de bruit devenus bilatéraux et pavillonnaires.
D'après les spécialistes qui utilisent cette méthode, les traitements médicamenteux fréquemment associés, comme la carbamazépine ou la clonazépam, ne sont pas indiqués, car ils abaissent les capacités du cerveau, d'où une moindre probabilité de réussite de la thérapie.
D'après la communication du Dr R. Dauman, unité d'audiologie, CHU de Bordeaux
La prévalence reste inchangée depuis huit ans
Pour mieux connaître la prévalence des acouphènes en France, les diagnostics portés et les choix thérapeutiques, deux enquêtes nationales ont été menées, en 1991 et en 1999, à l'aide d'un questionnaire (identique pour les deux enquêtes) adressé aux médecins ORL.
Malgré les huit années d'intervalle, il apparaît que la prévalence des acouphènes est restée la même : entre 50 000 à 80 000 personnes consultent chaque année pour un problème d'acouphènes. Chaque spécialiste voit 70 nouveaux cas par an.
Autre résultat notoire de ces enquêtes : la carence de diagnostic et la grande disparité des prises en charge. Dans seulement 55,6 % des cas, une étiologie est avancée. De 4 à 5 % des patients ont une hyperacousie associée. Le traitement prescrit est médicamenteux pour 97,9 % des patients, en association avec une prothèse auditive dans 23 % des cas ou avec de la relaxation (31,4 %). Selon les praticiens, 26 % des patients sont améliorés.
D'après le Dr Bertrand Geoffray, de Nice, il est urgent de mener une étude épidémiologique pour évaluer l'impact des différents traitements, afin de rationaliser la prise en charge de cette affection et d'harmoniser les pratiques.